10 novembre 2025
Pour la radio du cinéma, David Marmier a pu rencontrer Claude Lelouch à l'occasion des 35ème Rencontres Cinématographiques de L’ARP au Touquet-Paris-Plage.
Claude Lelouch n'a jamais aimé répéter les plans séquences du passé. Pour ses 88 printemps, le cinéaste a soufflé ses bougies avec nostalgie et un grand angle sur l'avenir. C'est à Trouville, sur les quais mêmes où il avait tourné Un homme et une femme il y a soixante ans, qu'il a inauguré le 30 octobre 2025 un lieu hybride : un ciné-bistrot. Un espace où les grands films se regardent autant qu'ils se discutent, avec une assiette entre amis. "Une belle soirée, c'est un beau film suivi d'un bon repas pour en parler", dit Claude Lelouch. Et franchement, on signe tout de suite.
Un bistrot, un projecteur, et beaucoup d'amour
Installé dans les anciens locaux de la police municipale, le lieu a été entièrement repensé. Cuisine enterrée, salle de projection au rez-de-chaussée, bar convivial et fresque dédiée aux visages de celles et ceux qui ont peuplé son cinéma. Elsa Zylberstein et Jean Dujardin, parrains du lieu, étaient de la fête, entourés de cinéphiles, amis de toujours, et curieux venus féliciter ce monument vivant du 7e art.
"Il était une fois... tout ça" : un film mémorial en chantier
Mais Claude Lelouch n'est pas homme à rester figé dans le passé. Il prépare à 88 ans son 52e long-métrage. Titre : Il était une fois... tout ça. Et pour ouvrir ce dernier tour de piste, il a choisi un outil aux possibilités vertigineuses : l'intelligence artificielle. Les premières minutes du film nous embarquent du Big Bang à Hiroshima, de la crucifixion du Christ à la révolution française. Une fresque vertigineuse de 7 minutes, entièrement créée grâce à l'IA générative, pour "raconter la grande histoire du monde et les petites histoires qui la traversent", confie le réalisateur.
Caméra au poing, portable en main
Claude Lelouch n'en est pas à sa première révolution technique. Il a été parmi les premiers à tourner un film entier avec un smartphone, prouvant qu'un rêve de cinéaste ne tient pas à la taille d'une caméra. Aujourd'hui, il salue l'IA comme un "super pouvoir donné au metteur en scène", tout en rappelant que "sans imagination, pas d'émotion". L'outil est neuf, mais l'âme du conteur reste la même.
Une affaire de famille
La fille de Claude Lelouch, Sarah Lelouch ne regarde pas l’intelligence artificielle comme une menace, mais comme un nouvel outil à dompter. Productrice, réalisatrice et cofondatrice du World AI Film Festival, elle voit dans cette technologie un levier de création plutôt qu’un danger pour le cinéma.
Elle ne nie pas les inquiétudes, notamment dans le monde du doublage vocal, mais préfère parler d’opportunités. De nouveaux métiers émergent, comme celui de « directeur de voix », capable de donner des indications émotionnelles à une IA encore incapable de ressentir. Selon elle, le doublage assisté par IA ne remplace pas l’artiste, il le prolonge.
Pour Sarah Lelouch, refuser l’IA serait une bataille perdue d’avance. Elle plaide pour une adaptation intelligente, éthique, où l’humain reste au cœur de la création. Une vision pragmatique, qui prolonge l’esprit pionnier de son père… avec les codes du XXIe siècle.
L’enfant qui s’amuse encore
Avec ses mots, Claude Lelouch résume son chemin : "Depuis l'âge de 17 ans, je suis en vacances". Vacances créatives où le travail ne pèse jamais, tant que le cinéma permet de rêver. Et s'il devait livrer un message ? "J'aime la vie avec ses contradictions. Et j'ai envie de la faire aimer au plus grand nombre".
- Ciné-bistrot Claude Lelouch – Quai Albert 1er, Trouville-sur-Mer (Calvados)
- Film en préparation : Il était une fois... tout ça, durée prévue : 3h
- Technologie : images créées en IA générative
- Sortie envisagée : courant 2027
Pour (re)découvrir Claude Lelouch, à l’âge où d’autres rangent leur caméra, lui invente un lieu, réinvente une forme et déclare une dernière fois sa flamme au cinéma. Comme disait Belmondo : "J'aime les films qui rendent heureux". On dirait que lui aussi.
Photographie David Marmier