le Mois du documentaire: une fabrique d’images justes et pas juste d'images, c'est juste ?

22 octobre 2025
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Du 1er au 30 novembre 2025, le Mois du film documentaire déploie sa constellation de récits dans plus de 1 600 lieux en France et à l'international. À l’initiative de l’association Images en bibliothèques, cette manifestation célèbre l’art documentaire sous toutes ses formes. Exemple dans la Nièvre, cinq salles de cinéma indépendantes — La Charité-sur-Loire, Luzy, Ouroux-en-Morvan, Saint-Honoré-les-Bains et Saint-Pierre-le-Moûtier — s’emparent de cette dynamique. Manuel Houssais est allé à la rencontre de William Robin, directeur de l’association Sceni Qua Non, à Moulins-Engilbert, entre deux séances de repérage pour une programmation qui fait le pari de l’intelligence collective.

« Le documentaire, c’est du cinéma. Point. »

William Robin nous confie d’emblée son attachement au documentaire comme geste artistique à part entière : « On célèbre le documentaire tout au long de l’année, mais novembre devient une sorte de grand rattrapage émotionnel et politique. » Si le Mois du doc s’est historiquement enraciné dans les médiathèques, Sceni Qua Non fait le choix d’une programmation en salle payante, avec des exclusivités et surtout, des œuvres de création. « Il faut sortir le documentaire du carcan scolaire ou journalistique. Le documentaire, c’est du cinéma, exactement comme le reste. »

Des métamorphoses à taille humaine

Thématique nationale de cette 26e édition, les métamorphoses irriguent la programmation : sociales, historiques, politiques… « On a voulu élargir au maximum. Nos films questionnent la société en mutation. C’est une matière vivante. » Dans la Nièvre, territoire rural et contrasté, les projections prennent un relief particulier. « Chaque salle a son identité, son public. On ne duplique pas la même soirée cinq fois. On invite les spectateurs à circuler, à créer leur propre itinéraire cinématographique. »

Les coups de cœur de la sélection

Premier choc annoncé : My Stolen Planet de Faranah Sharifi, précédé du court métrage Paris Téhéran de Daniel Barami. « Deux regards complémentaires sur l’Iran, à travers l’archive et l’intime. C’est bouleversant et poétique à la fois. » Autre film phare : We Blew It de Jean-Baptiste Thoret, présenté à La Charité-sur-Loire. « Ce film interroge la désillusion américaine, entre utopies mortes et retour de Trump. C’est d’une actualité brûlante. » Enfin, hommage à Richard Dindo avec Dani, Micci, Renato et Max : « Un documentaire rare sur les violences policières à Zurich dans les années 1980, projeté à Saint-Honoré-les-Bains. Une œuvre puissante, présentée par Clément Schneider. »

Un pont entre mémoire et engagement

Le documentaire, pour William Robin, n’est pas qu’un vecteur de mémoire : « Il documente, oui, mais il questionne aussi. C’est un rempart contre l’oubli, mais surtout un outil pour penser autrement. » Des films comme Alliés et Saône-et-Loire, la ligne de démarcation interrogent l’Histoire avec rigueur et émotion. D’autres, comme Kanaky, Nouvelle-Calédonie, réactivent des luttes toujours vivaces. « La création est politique, et le documentaire le montre avec une acuité rare. »

La salle de cinéma comme dernier bastion du débat

Chez Sceni Qua Non, la projection est inséparable de la rencontre. « Inviter un réalisateur ou un spécialiste, c’est redonner de la chair au débat. C’est offrir aux spectateurs la possibilité d’un dialogue immédiat, incarné. » Un principe fondateur de l’association, que William résume ainsi : « La salle est un lieu de vie. C’est l’un des derniers espaces où l’on peut encore échanger librement. »

Documentaire vs réseaux sociaux : deux visions du monde

Face à l’infobésité et à la saturation des flux numériques, le documentaire opère en contrepoint : « Un documentaire de création prend du temps. Il porte un regard, pas une opinion. Il construit un récit. Là où les réseaux empilent les images, le documentaire les met en perspective. »

Perspectives : vers un élargissement des publics

Après vingt ans d’existence, quel avenir pour le Mois du doc ? William Robin reste optimiste, mais vigilant : « Le public a compris que le documentaire, ce n’est pas du reportage. Reste à élargir encore. Amener le cinéma là où il ne va pas spontanément. On a planté des graines, maintenant il faut irriguer. »

Le Mois du doc, un miroir en mouvement

En guise de synthèse, William Robin cite une image marquante : « Le documentaire transforme ce qui est juste une image en une image juste. » Tout est dit : dans la Nièvre comme ailleurs, le Mois du doc 2025 offre un prisme singulier pour lire le monde, à hauteur d’homme.

Du 1er au 30 novembre 2025 dans les salles participantes

Programme complet à retrouver sur moisdudoc.com