
LE FESTIVAL DE LA CORRESPONDANCE de Grignan – Juillet 2025
À Grignan, les lettres de la dernière heure font écho à l’éternité .. Dans le cadre chargé d’histoire du festival de Grignan, la scène s’est faite l’écrin de voix bouleversées et bouleversantes. Mises en espace par Panchika Velez, incarnées par Philippe Lelièvre et Rachel Arditi ces lettres de condamnés à mort – écrites entre la Révolution française et la Seconde Guerre mondiale – résonnent avec puissance au pied du Château. Loin d’un simple exercice de mémoire, la lecture devient ici un moment de grâce, suspendu entre l’intime et le collectif. Car ces mots, écrits à l’orée de l’inéluctable, disent bien plus que l’adieu : ils interrogent la justice, convoquent le sacré, et rappellent la valeur inviolable de toute vie humaine, même celle des plus ambivalents...
Ce n’était pas un spectacle, mais bien une mise en espace. Un moment suspendu, où chaque mot comptait. Le 4 juillet au soir, dans la cour du Château de Grignan, "Adieu pour jamais, adieu !" a fait résonner les voix oubliées de condamnés à mort.
Adapté par l'historienne Cécile Berly, le texte puise dans des lettres réelles, écrites dans l’urgence des derniers instants par des hommes et femmes guillotinés entre 1793 et 1795 ou fusillés entre 1941 et 1945. « Écrire, c’est reprendre un peu de contrôle sur la peur de mourir », rappelle Panchika Velez, dont la mise en scène épurée donne toute sa puissance à ces adieux bouleversants.
Pour Philippe Lelièvre, cette lecture fut une première marquante : « J’ai rarement été autant imprégné par un texte. Ces lettres suffisent à elles seules. Elles disent tout, dans une émotion terrible. » L’acteur, visiblement ébranlé par cette expérience, confie avoir mené une introspection profonde, s’interrogeant sur la peine de mort et sur la valeur de chaque vie humaine, même celles des plus controversées.
Les lettres de Guy Môquet, Olga Bancic, ou encore Marie-Antoinette, ont particulièrement bouleversé les interprètes. Rachel Arditi souligne la force tragique des lettres écrites par les plus jeunes : « La jeunesse, c’est ce qui ajoute à la tragédie. Olga écrit à sa fille sans pleurer, mais on sent qu’elle est ravagée. », la comédienne a susurré, hurlé, incarné ses rôles bien au-delà de la simple lecture provocant bien des larmes dans le public, une performance bouleversante.
À travers une alternance de lectures, de sons et de voix off, la mise en scène de Panchika Velez rappelle que ces lettres ne sont pas que des adieux : elles sont aussi un acte de vie, de lucidité, de transmission. « Même les salauds, je n’ai pas envie qu’on les tue. C’est la justice qui doit trancher, pas la vengeance », affirme-t-elle avec conviction, citant le cas complexe de Robert Brasillach.
Ce moment de théâtre-document bouleverse, interroge, et redonne chair à des figures historiques souvent réduites à quelques lignes dans les manuels. Le public, lui, est reparti ému, touché par l’intensité du propos et la justesse de l’interprétation.
Infos pratiques :
"Adieu pour jamais, adieu !" – Lecture-spectacle vue le 4 juillet 2025 au Festival de la correspondance de Grignan
Avec Rachel Arditi et Philippe Lelièvre
Mise en espace : Panchika Velez
Adaptation : Cécile Berly
Pour en savoir plus sur la peine de mort en France
Photographie: Amandine Bacconnier