
Dans un entretien-bilan à l’issue de cette dernière édition, Eric Emmanuel SCHMITT revient sur une année marquée par l’intensité des émotions, une fréquentation record, et une ambition renouvelée autour du sens et du sacré.
Le sourire dans la voix, le ton est celui d’un homme satisfait mais lucide. À l’heure du bilan, le Président du festival de la correspondance évoque une édition à la hauteur des ambitions, et même au-delà. "Une belle année avec une fréquentation supérieure à celle des autres", se réjouit-il, tout en reconnaissant que cette réussite impose désormais "encore plus de pression pour les années suivantes". Monter toujours plus haut, tout en sachant que la chute peut survenir à tout moment, telle est la règle du jeu.
Le thème de cette édition, centré sur la recherche de sens et du sacré, n’était pas sans risque. "On m’a dit : ‘vous êtes fou’", rapporte-t-il avec un mélange d’ironie et de conviction. Mais ce pari audacieux s’est révélé fructueux. "Tout le monde est en recherche de sens", affirme-t-il. "Nos réponses sont différentes, mais nos aspirations sont les mêmes." À travers lectures, débats et performances scéniques, le festival a ainsi su conjuguer réflexion intellectuelle et émotion palpable.
Car si la journée était celle de la pensée – portée notamment par le cabaret littéraire et les rencontres thématiques – les soirées, elles, laissaient place à l’émotion brute. Dans l’écrin du château, les comédiens ont donné chair aux mots, faisant revivre les figures du passé. "Ils apportent un corps, une vibration", décrit-il. Une alchimie rare, qui a fait couler des larmes, tant dans le public que sur scène.
L’un des moments forts de cette édition fut la performance de Charles Templon, comédien révélé très jeune dans Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran. "Il est entré dans le métier sous les ailes d’un de mes écrits", se souvient le directeur du festival, manifestement ému par leurs retrouvailles. "Je l’ai trouvé absolument magistral, à la fois fort et fragile, infiniment présent."
Autre clé de la longévité de ce festival : la fidélité. Celle des artistes, bien sûr, que l’on retrouve d’année en année – Brigitte Fossey, Bruno Solo – mais aussi celle d’un public toujours plus large. Pour autant, pas question de figer le programme. "Il faut aussi renouveler, ouvrir à d’autres visages", insiste-t-il. Un subtil équilibre entre constance et découverte.
Quant à l’avenir, il se dessine déjà. L’an prochain, le festival célébrera les 400 ans de la mort de Madame de Sévigné. Mais au-delà de la marquise, c’est la correspondance comme reflet d’une époque qui sera au cœur de la programmation. Un thème suffisamment vaste pour traverser les siècles, du Grand Siècle à l’ère numérique. "Nous ne serons pas enfermés dans le XVIIe", promet-il.
Et de conclure, fidèle à son enthousiasme discret mais sincère : "À l’année prochaine ? Oui, à l’année prochaine."